Page:Musset - On ne badine pas avec l'amour, 1884.djvu/73

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retourne à ma cure ; on ne me verra pas confondu parmi la foule des convives, et j’aime mieux, comme César, être le premier au village que le second dans Rome.

(Il sort.)



Scène III.

(Un champ devant une petite maison.)
Entrent Rosette et Perdican.
Perdican

Puisque ta mère n’y est pas, viens faire un tour de promenade.

Rosette

Croyez-vous que cela me fasse du bien, tous ces baisers que vous me donnez ?

Perdican

Quel mal y trouves-tu ? Je t’embrasserais devant ta mère. N’es-tu pas la sœur de Camille ? Ne suis-je pas ton frère comme le sien ?

Rosette

Des mots sont des mots et des baisers sont des baisers. Je n’ai guère d’esprit et je m’en aperçois bien sitôt que je veux dire quelque chose. Les belles dames savent leur affaire, selon qu’on leur baise la main droite ou la main gauche ; leurs pères les embrassent sur le front, leurs frères sur la joue, leurs amoureux sur les lèvres ; moi, tout le monde m’embrasse sur les deux joues, et cela me chagrine.

Perdican

Que tu es jolie, mon enfant !

Rosette

Il ne faut pas non plus vous fâcher pour cela. Comme vous paraissez triste ce matin ! Votre mariage est donc manqué ?

Perdican

Les paysans de ton village se souviennent de m’avoir aimé ; les chiens de la basse-cour et les arbres du bois s’en souviennent aussi ; mais Camille ne s’en souvient pas. Et toi, Rosette, à quand le mariage ?

Rosette

Ne parlons pas de cela, voulez-vous ? Parlons du temps qu’il fait, de ces fleurs que voilà, de vos chevaux et de mes bonnets.

Perdican

De tout ce qui te plaira, de tout ce qui peut