Ne m’interrogez pas là-dessus, car je ne me ferai jamais moine.
Depuis près de dix ans que nous avons vécu éloignés l’un de l’autre, vous avez commencé l’expérience de la vie. Je sais quel homme vous êtes, et vous devez avoir beaucoup appris en peu de temps avec un cœur et un esprit comme les vôtres. Dites-moi, avez-vous eu des maîtresses ?
Pourquoi cela ?
Répondez-moi, je vous en prie, sans modestie et sans fatuité.
J’en ai eu.
Les avez-vous aimées ?
De tout mon cœur.
Où sont-elles maintenant ? Le savez-vous ?
Voilà, en vérité, des questions singulières. Que voulez-vous que je vous dise ? Je ne suis ni leur mari ni leur frère ; elles sont allées où bon leur a semblé.
Il doit nécessairement y en avoir une que vous ayez préférée aux autres. Combien de temps avez-vous aimé celle que vous avez aimée le mieux ?
Tu es une drôle de fille ! Veux-tu te faire mon confesseur ?
C’est une grâce que je vous demande, de me répondre sincèrement. Vous n’êtes point un libertin, et je crois que votre cœur a de la probité. Vous avez dû inspirer l’amour, car vous le méritez, et vous ne vous seriez pas livré à un caprice. Répondez-moi, je vous en prie.
Ma foi, je ne m’en souviens pas.
Connaissez-vous un homme qui n’ait aimé qu’une femme ?
Il y en a certainement.
Est-ce un de vos amis ? Dites-moi son nom.
Je n’ai pas de nom à vous dire, mais je crois qu’il y a des hommes capables de n’aimer qu’une fois.