Page:Musset - On ne badine pas avec l'amour, 1884.djvu/90

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parle ainsi ! Moi au désespoir de son refus ! Eh ! bon Dieu ! si cela était vrai, on le verrait bien ; quelle honte peut-il y avoir à aimer ? Elle a fait tout au monde pour me dégoûter, dit-elle, et j’ai le poignard dans le cœur ? Quel intérêt peut-elle avoir à inventer un roman pareil ? Cette pensée que j’avais cette nuit est-elle donc vraie ? Ô femmes ! cette pauvre Camille a peut-être une grande piété ! c’est de bon cœur qu’elle se donne à Dieu, mais elle a résolu et décrété qu’elle me laisserait au désespoir. Cela était convenu entre les bonnes amies avant de partir du couvent. On a décidé que Camille allait revoir son cousin, qu’on le lui voudrait faire épouser, qu’elle refuserait, et que le cousin serait désolé. Cela est si intéressant, une jeune fille qui fait à Dieu le sacrifice du bonheur d’un cousin ! Non, non, Camille, je ne t’aime pas, je ne suis pas au désespoir, je n’ai pas le poignard dans le cœur, et je te le prouverai. Oui, tu sauras que j’en aime une autre avant de partir d’ici. Holà ! brave homme ! (Entre un paysan.) Allez au château ; dites à la cuisine qu’on envoie un valet porter à Mlle. Camille le billet que voici. (Il écrit.)

Le Paysan

Oui, monseigneur.

(Il sort.)
Perdican

Maintenant à l’autre. Ah ! je suis au désespoir ! Holà ! Rosette, Rosette !

(Il frappe à une porte.)
Rosette, ouvrant.

C’est vous, monseigneur ! Entrez, ma mère y est.

Perdican

Mets ton plus beau bonnet, Rosette, et viens avec moi.

Rosette

Où donc ?

Perdican

Je te le dirai ; demande la permission à ta mère, mais dépêche-toi.

Rosette

Oui, monseigneur.

(Elle entre dans la maison.)
Perdican

J’ai demandé un nouveau rendez-vous à Camille, et je suis sûr qu’elle y viendra ; mais, par le ciel, elle n’y trouvera pas ce qu’elle compte y trouver. Je veux faire la cour à Rosette devant Camille elle-même.