Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/201

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Tout ce passé me criait à l’oreille
 Ses éternels serments d’un jour.
Je contemplais ces reliques sacrées,
 Qui me faisaient trembler la main :
Larmes du cœur par le cœur dévorées,
Et que les yeux qui les avaient pleurées
 Ne reconnaîtront plus demain !

J’enveloppais dans un morceau de bure
 Ces ruines des jours heureux.
Je me disais qu’ici-bas ce qui dure,
 C’est une mèche de cheveux.
Comme un plongeur dans une mer profonde,
 Je me perdais dans tant d’oubli.
De tous côtés j’y retournais la sonde,
Et je pleurais, seul, loin des yeux du monde,
 Mon pauvre amour enseveli.

J’allais poser le sceau de cire noire
 Sur ce fragile et cher trésor.
J’allais le rendre, et, n’y pouvant pas croire,
 En pleurant j’en doutais encor.
Ah ! faible femme, orgueilleuse insensée,
 Malgré toi, tu t’en souviendras !
Pourquoi, grand Dieu ! mentir à sa pensée ?
Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressée,
 Ces sanglots, si tu n’aimais pas ?