Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/207

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LE POÈTE

Quand j’ai passé par la prairie,
J’ai vu, ce soir, dans le sentier,
Une fleur tremblante et flétrie,
Une pâle fleur d’églantier.
Un bourgeon vert à côté d’elle
Se balançait sur l’arbrisseau ;
Je vis poindre une fleur nouvelle ;
La plus jeune était la plus belle :
L’homme est ainsi, toujours nouveau.


LA MUSE

Hélas ! toujours un homme, hélas ! toujours des larmes !
Toujours les pieds poudreux et la sueur au front !
Toujours d’affreux combats et de sanglantes armes ;
Le cœur a beau mentir, la blessure est au fond.
Hélas ! par tous pays, toujours la même vie :
Convoiter, regretter, prendre et tendre la main ;
Toujours mêmes acteurs et même comédie,
Et, quoi qu’ait inventé l’humaine hypocrisie,
Rien de vrai là-dessous que le squelette humain.
Hélas ! mon bien-aimé, vous n’êtes plus poète.
Rien ne réveille plus votre lyre muette ;
Vous vous noyez le cœur dans un rêve inconstant ;
Et vous ne savez pas que l’amour de la femme