Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/86

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L’œil de la pauvre enfant sur l’eau s’est arrêté :
« Quoi ! rien? » murmure-t-elle; - et que peut-elle attendre?
Mais la Mort, à pas lents, vient de l’autre côté.
L’Océan tout à coup, et le ciel et la terre
Tournent, — tout se confond. — Le fanal solitaire
Comme un homme enivré chancelle. — Ange des cieux !
N’est ce pas pour toujours qu’elle a fermé les yeux ?
La grille en cet instant a résonné. — Silence !
Un pas se fait entendre, — un jeune homme s’élance.
Il est couvert d’un froc. — Tous se sont écartés.
Il traverse la foule à pas précipités :

« Mes sœurs, demande-t-il, où donc est la no’ice ? »

Il l’a vue ; un soupir dans l’ombre a répondu.
Alors d’un ton de voix qui veut qu’on obéisse ;
« Georgette, lui dit-il, Georgette, m’entends-tu ? »

En prononçant ces mots, le frère se découvre.
De la malade alors la paupière s’entr’ouvre;
L’a-t-elle reconnu ? Son œil terne et hagard
Est voilé d’un nuage et se perd dans le vide.
Il doute, — Sur son front passe un éclair rapide.
« Laissez-nous seuls, dit-il, je suis venu trop tard. »
Le ciel s’obscurcissait. — Les traits de la mourante
S’effaçaient par degrés sous la clarté tremblante.
Auprès de son chevet le crucifix laissé