Et de ton noble cœur s’exhalait en sanglots ?
Quand de ceux qui t’aimaient tu voyais la tristesse,
Ne sentais-tu donc pas qu’une fatale ivresse
Berçait ta vie errante à ses derniers rameaux ?
Oui, oui, tu le savais, qu’au sortir du théâtre,
Un soir dans ton linceul il faudrait te coucher.
Lorsqu’on te rapportait plus froide que l’albâtre,
Lorsque le médecin, de ta veine bleuâtre,
Regardait goutte à goutte un sang noir s’épancher,
Tu savais quelle main venait de te toucher.
Oui, oui, tu le savais, et que, dans cette vie,
Rien n’est bon que d’aimer, n’est vrai que de souffrir.
Chaque soir dans tes chants tu te sentais pâlir.
Tu connaissais le monde, et la foule, et l’envie,
Et, dans ce corps brisé concentrant ton génie,
Tu regardais aussi la Malibran mourir.
Meurs donc ! ta mort est douce, et ta tâche est remplie.
Ce que l’homme ici-bas appelle le génie,
C’est le besoin d’aimer ; hors de là tout est vain.
Et, puisque tôt ou tard l’amour humain s’oublie,
Il est d’une grande âme et d’un heureux destin
D’expirer comme toi pour un amour divin !