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À ALFRED DE MUSSET


RÉPONSE DE M. SAINTE-BEUVE




Il n’est pas mort, ami, ce poëte, en mon âme ;
Il n’est pas mort, ami, tu le dis, je le crois.
Il ne dort pas, il veille, étincelle sans flamme ;
La flamme, je l’étouffe, et je retiens ma voix.

Que dire et que chanter quand la plage est déserte,
Quand les flots des jours pleins sont déjà retirés,
Quand l’écume flétrie et partout l’algue verte
Couvrent au loin les bords au matin si sacrés ?

Que dire des soupirs que la jeunesse enfuie
Renvoie à tous instants à ce cœur non soumis ?
Que dire des banquets où s’égaya la vie,
Et des premiers plaisirs, et des premiers amis ?

L’amour vint sérieux pour moi dans son ivresse.
Sous les fleurs tu chantais, raillant ses dons jaloux.
Enfin, un jour tu crus ! moi, j’y croyais sans cesse…
Sept ans entiers, sept ans !… Alfred, y croyons-nous ?

L’une, ardente, vous prend dans sa soif, et vous jette
Comme un fruit qu’on méprise après l’avoir séché.