Page:Musset - Poésies nouvelles (Charpentier 1857).djvu/210

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Qui se berce en ronflant dans sa brutalité ;
Puis un tyran moderne, une peste nouvelle,
lia médiocrité, qui ne comprend rien qu’elle,
Qui, pour chauffer la cuve où son fer fume et bout,
Y jetterait le bronze où César est debout,
Instinct de la basoche, odeur d’épicerie,
Qui fait lever le cœur à la mère patrie,
Capable, avec le temps, de la déshonorer,
Si sa fierté native en pouvait s’altérer ;
Ensuite, un tort léger, tant il est ridicule,
Et qui ne vaut pas même un revers de férule,
Les lamentations des chercheurs d’avenir,
Ceux qui disent : Ma sœur, ne vois-tu rien venir ?
Puis, un mal dangereux qui touche à tous les crimes,
La sourde ambition de ces tristes maximes
Qui ne sont même pas de vieilles vérités,
Et qu’on vient nous donner comme des nouveautés ;
Vieux galons de Rousseau, défroque de Voltaire,
Carmagnole en haillons volée à Robespierre,
Charmante garde-robe où sont emmaillotés
Du peuple souverain les courtisans crottés ;
Puis enfin, tout au bas, la dernière de toutes,
La fièvre de ces fous qui s’en vont par les routes
Arracher la charrue aux mains du laboureur,
Dans l’atelier désert corrompre le malheur,
Au nom d’un Dieu de paix qui nous prescrit l’aumône
Traîner au carrefour le pauvre qui frissonne,
D’un fer rouillé de sang armer sa maigre main,
Et se sauver dans l’ombre en poussant l’assassin.

Qu’aurait dit à cela ce grand traîneur d’épée,
Ce flâneur « qui prenait les vers à la pipée ? »
Si dans ce gouffre obscur son regard eût plongé,