Page:Musset - Poésies nouvelles (Charpentier 1857).djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Rolla, pâle et tremblant, referma la croisée.
Il brisa sur sa tige un pauvre dahlia.
« J’aime, lui dit la fleur, et je meurs embrasée
Des baisers du zéphyr, qui me relèvera.
J’ai jeté loin de moi, quand je me suis parée,
Les éléments impurs qui souillaient ma fraîcheur.
Il m’a baisée au front dans ma robe dorée ;
Tu peux m’épanouir, et me briser le cœur. »

J’aime ! — voilà le mot que la nature entière
Crie au vent qui l’emporte, à l’oiseau qui le suit !
Sombre et dernier soupir que poussera la terre
Quand elle tombera dans l’éternelle nuit !
Oh ! vous le murmurez dans vos sphères sacrées,
Étoiles du matin, ce mot triste et charmant !
La plus faible de vous, quand Dieu vous a créées,
A voulu traverser les plaines éthérées,
Pour chercher le soleil, son immortel amant.
Elle s’est élancée au sein des nuits profondes.
Mais une autre l’aimait elle-même ; — et les mondes
Se sont mis en voyage autour du firmament.

Jacque était immobile, et regardait Marie.
Je ne sais ce qu’avait cette femme endormie
D’étrange dans ses traits, de grand, de déjà vu.
Il se sentait frémir d’un frisson inconnu.
N’était-ce pas sa sœur, cette prostituée ?
Les murs de cette chambre obscure et délabrée
N’étaient-ils pas aussi faits pour l’ensevelir ?
Ne la sentait-il pas souffrir de sa torture,
Et saigner des douleurs dont il allait mourir ?

Oui, dans cette chétive et douce créature