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LA NUIT D’OCTOBRE


le poëte.

Le mal dont j’ai souffert s’est enfui comme un rêve.
Je n’en puis comparer le lointain souvenir
Qu’à ces brouillards légers que l’aurore soulève
Et qu’avec la rosée on voit s’évanouir.

la muse.

Qu’aviez-vous donc, ô mon poëte !
Et quelle est la peine secrète
Qui de moi vous a séparé ?
Hélas ! je m’en ressens encore.
Quel est donc ce mal que j’ignore
Et dont j’ai si longtemps pleuré ?

le poëte.

C’était un mal vulgaire et bien connu des hommes ;
Mais, lorsque nous avons quelque ennui dans le cœur,
Nous nous imaginons, pauvres fous que nous sommes,
Que personne avant nous n’a senti la douleur.

la muse.

Il n’est de vulgaire chagrin
Que celui d’une âme vulgaire.
Ami, que ce triste mystère
S’échappe aujourd’hui de ton sein.