Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Car je vous entends bien, et je sais que c’est mal.
Mais que voudriez-vous, monsieur, qu’on fît au bal ?
— Oui ! vous avez raison, dit le bedeau, le monde
Est un lieu de misère et de pitié profonde.
— Donc, dit Mardoche, avec votre consentement,
Je reprends mon récit et mon raisonnement.
Or je ne puis pas voir ma maîtresse ; hier même
J’ai failli m’y casser le cou. — Bonté suprême !


XXIX


Dit le bedeau, c’est Dieu qui vous aurait frappé.
Quel est le malheureux que vous avez trompé ?
— Malheureux ? dit Mardoche ; il n’en sait rien, mon père.
— Il n’en sait rien, mon fils ! Nul secret sur la terre
N’est secret bien longtemps. — Bon, dit Mardoche, mais
Je ne bavarde guère, et je n’écris jamais.
— Et quand cela serait, mon fils, je le demande,
Une injure cachée en est-elle moins grande ?
En aurez-vous donc moins desséché, désuni
Un lien que la main d’un prêtre avait béni ?


XXX


En aurez-vous moins fait le plus coupable outrage
À la société, dans sa loi la plus sage ?
Ce secret, qu’à jamais la terre ignorera,
Pensez-vous que le ciel, qui le sait, l’oubliera ?
Songez à ce que c’est qu’un monde, et que le nôtre
A quatre pas de long, et, pour l’horizon, l’autre.