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Plutôt que comme un lâche on me voie en souffrir,
Je t’en arracherai, quand j’en devrais mourir !

III


Connaîtriez-vous point, frère, dans une rue
Déserte, une maison sans porte, à moitié nue ;
Près des barrières, triste ; — on n’y voit jamais rien,
Sinon un pauvre enfant fouettant un maigre chien ;
Des lucarnes sans vitre, et par le vent cognées,
Qui pendent comme font des toiles d’araignées ;
Des pignons délabrés, où glisse par moment
Un lézard au soleil ; — d’ailleurs, nul mouvement.
Ainsi qu’on voit souvent, sur le bord des marnières,
S’accroupir vers le soir de vieilles filandières,
Qui, d’une main calleuse agitant leur cordon,
Faibles, sur leur genou laissent choir leur menton ;
De même l’on dirait que, par l’âge lassée,
Cette pauvre maison, honteuse et fracassée,
S’est accroupie un soir au bord de ce chemin.
C’est là que don Paez, le lendemain matin,
Se rendait. — Il monta les marches inégales,
Dont la mousse et le temps avaient rompu les dalles.
— Dans une chambre basse, après qu’il fut entré,
Il regarda d’abord d’un air mal assuré.
Point de lit au dedans. — Une fumée étrange
Seule dans ce taudis atteste qu’on y mange.
Ici, deux grands bahuts, des tabourets boiteux,
Cassant à tout propos quand on s’assoit sur eux ;
— Des pots ; — mille haillons : — et sur la cheminée,