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III


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« C’est vrai, Bell, répondit Georgette à son amie ;

Souvent jusqu’à la nuit j’aime à rester ici.
La mer y vient mourir sur la plage endormie…

— Mais qu’as-tu ? dit Bella : pourquoi pleurer ainsi ?

— Restons, restons toujours ; ce sont de douces larmes…
Douces, et sans motif… et des larmes pourtant !
As-tu peur ? mais la peur elle-même a ses charmes…
C’est mon plaisir du soir ; restons un seul instant.

— Hélas ! bonne Georgette, il faut bien qu’on te cède ;
Mais la nuit va venir, et… Dieu nous soit en aide !
Pourquoi donc dans ma main sens-je frémir ta main ? »

Georgette, en soupirant, regarda son amie :

« Ainsi, Bella, pour toi, de ce double chemin
Où l’on dit que nos pas s’égarent dans la vie,
Un seul, un seul existe, et te sera connu !
L’hiver prochain, dis-moi, Bell, quel âge auras-tu ?
Mais que dis-je ? notre âge est à peu près le même.
Je suis folle, et c’est tout. Pauvre Bella, je t’aime
Du fond du cœur.
Du fond du cœur. — Mon Dieu ! Georgina, qu’as-tu donc
Tu ne te soutiens plus…
Tu ne te soutiens plus… — Pardon, chère, pardon !
Tiens, donne-moi ton bras, et revenons ensemble. »