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Adieu ! ta blanche main sur le clavier d’ivoire
Durant les nuits d’été ne voltigera plus…


IX


Glisse au sein de la nuit, beau brick de l’Espérance !
Terre d’Écosse, adieu ! Glisse, fils des forêts !
— Que l’on tienne les yeux, que l’on veille de près
Sur ce jeune homme en deuil, qui seul, dans le silence,
De la poupe, en chantant, se penche sur les flots.
Ses yeux sont égarés. Deux fois les matelots
L’ont reçu dans leurs bras, prêt à perdre la vie.
Et cependant il chante, et l’oreille est ravie
Des sons mystérieux qu’il mêle au bruit des vents.
« Le saule… — au pied du saule… » il parle comme en rêve :
« Barbara ! — Barbara ! » Sa voix baisse, s’élève,
Et des flots tour à tour suit les doux mouvements.
« Enfants, veillez sur lui ! — la force l’abandonne !
Sa voix tombe et s’éteint — pourtant il chante encor.
Quel peut être le mal qui cause ainsi sa mort ?
Couchez-le sur un lit, enfants, la mer est dure !
— Enseigne, répondit la voix des matelots,
Son manteau recouvrait une large blessure,
D’où son sang goutte à goutte est tombé dans les flots. »

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