Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qui meurt les yeux fixés sur son astre chéri,
Et préférez à tout, comme le Misanthrope,
La chanson de ma mie, et du Bon roi Henri.
Doutez, si vous voulez, de l’être qui vous aime,
D’une femme ou d’un chien, mais non de l’amour même.
L’amour est tout, — l’amour, et la vie au soleil.
Aimer est le grand point, qu’importe la maîtresse ?
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ?
Faites-vous de ce monde un songe sans réveil.
S’il est vrai que Schiller n’ait aimé qu’Amélie,
Goethe que Marguerite, et Rousseau que Julie,
Que la terre leur soit légère ! — ils ont aimé.


Vous trouverez, mon cher, mes rimes bien mauvaises :
Quant à ces choses-là, je suis un réformé.
Je n’ai plus de système, et j’aime mieux mes aises ;
Mais j’ai toujours trouvé honteux de cheviller.
Je vois chez quelques-uns, en ce genre d’escrime,
Des rapports trop exacts avec un menuisier.
Gloire aux auteurs nouveaux, qui veulent à la rime
Une lettre de plus qu’il n’en fallait jadis !
Bravo ! c’est un bon clou de plus à la pensée.
La vieille liberté par Voltaire laissée
Était bonne autrefois pour les petits esprits.


Un long cri de douleur traversa l’Italie
Lorsqu’au pied des autels Michel-Ange expira.
Le siècle se fermait, — et la mélancolie,
Comme un pressentiment, des vieillards s’empara.
L’art, qui sous ce grand homme avait quitté la terre
Pour se suspendre au ciel, comme le nourrisson
Se suspend et s’attache aux lèvres de sa mère,