Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/218

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On ne se vieillit pas dans tes longues veillées.
Si parfois tes enfants, dans l’écho des vallées,
Mêlent un doux refrain aux soupirs des roseaux,
C’est qu’ils sont nés chanteurs, comme de gais oiseaux,
Tu n’as rien, toi, Tyrol, ni temples, ni richesse,
Ni poëtes, ni dieux ; — tu n’as rien, chasseresse !
Mais l’amour de ton cœur s’appelle d’un beau nom :
La liberté ! — Qu’importe au fils de la montagne
Pour quel despote obscur envoyé d’Allemagne
L’homme de la prairie écorche le sillon ?
Ce n’est pas son métier de traîner la charrue ;
Il couche sur la neige, il soupe quand il tue ;
Il vit dans l’air du ciel, qui n’appartient qu’à Dieu.


— L’air du ciel ! l’air de tous ! vierge comme le feu !
Oui, la liberté meurt sur le fumier des villes.
Oui, vous qui la plantez sur vos guerres civiles,
Vous la semez en vain, même sur vos tombeaux,
Il ne croît pas si bas, cet arbre aux verts rameaux.
Il meurt dans l’air humain, plein de râles immondes,
Il respire celui que respirent les mondes.
Montez, voilà l’échelle, et Dieu qui tend les bras.
Montez à lui, rêveurs, il ne descendra pas !
Prenez-moi la sandale, et la pique ferrée :
Elle est là sur les monts, la liberté sacrée.
C’est là qu’à chaque pas l’homme la voit venir,
Ou, s’il l’a dans le cœur, qu’il l’y sent tressaillir.
Tyrol, nul barde encore n’a chanté tes contrées.
Il faut des citronniers à nos muses dorées,
Et tu n’es pas banal, toi dont la pauvreté
Tend une maigre main à l’hospitalité.
— Pauvre hôtesse, ouvre-moi ! tu vaux bien l’Italie,
Messaline en haillons, sous les baisers pâlie,