Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/277

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Et de grands éperons qui reluisaient dans l’herbe.

Ninon.

C’est pourtant une chose étrange à concevoir,
Qu’un homme comme il faut tente une horreur semblable.
Un homme en manteau noir, c’est peut-être le diable.
Oui, ma chère. Qui sait ? Peut-être un revenant.

Ninette.

Je ne crois pas, ma chère : il avait des moustaches.

Ninon.

J’y pense, dis-moi donc, si c’était un amant !

Ninette.

S’il allait revenir ! — Il faut que tu me caches.

Ninon.

C’est peut-être papa qui veut te faire peur.
Dans tous les cas, Ninette, il faut qu’on te ramène.
Holà ! Flora, Flora ! reconduisez ma sœur.

(Flora paraît sur la porte.)

Adieu, va, ferme bien ta porte.

Ninette.

Adieu, va, ferme bien ta porte.Et toi la tienne.

(Elles s’embrassent. Ninette sort avec Flora.)

Ninon, seule, mettant son verrou.

Des éperons d’argent, un manteau de velours !
Une chaîne ! un baiser ! — C’est extraordinaire.

(Elle se décoiffe.)

Je suis mal en bandeaux ; mes cheveux sont trop courts.
Bah ! j’avais deviné ! — C’est sans doute mon père.
Ninette est si poltronne ! — Il l’aura vu passer.
C’est tout simple, sa fille, il peut bien l’embrasser.
Mes bracelets vont bien.

(Elle les détache.)

Mes bracelets vont bien.Ah ! demain, quand j’y pense,
Ce jeune homme étranger qui va venir dîner !