Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/282

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Le nouvel arrivé ; — c’est un jeune homme aimable,
Qui vient pour épouser un de mes chers enfants.
Jetez, au nom de Dieu, vos regards triomphants
Sur un autre que lui ; ne cherchez pas à plaire,
Et n’avalez pas tout, comme à votre ordinaire.
Il est simple et timide, et de bonne façon ;
Enfin c’est ce qu’on nomme un honnête garçon.
Tâchez, si vous trouvez ses manières communes,
De ne point décocher, en prenant du tabac,
Votre charmant sourire et vos mots d’almanach.
Tarissez, s’il se peut, sur vos bonnes fortunes.
Ne vous inondez pas de vos flacons damnés ;
Qu’on puisse vous parler sans se boucher le nez.
Vos gants blancs sont de trop ; on dîne les mains nues.

Irus.

Je suis presque tenté, pour cadrer à vos vues,
D’ôter mon habit vert, et de me mettre en noir.

Laërte.

Non, de par tous les saints, non, je vous remercie.
La peste soit de vous ! — Qui diantre se soucie,
Si votre habit est vert, de s’en apercevoir ?

Irus.

Puis-je savoir, du moins, le nom de ce jeune homme ?

Laërte.

Qu’est-ce que ça vous fait ? C’est Silvio qu’il se nomme.

Irus.

Silvio ! ce n’est pas mal. — Silvio ! — le nom est bien.
Irus, — Irus, — Silvio, — mais j’aime mieux le mien.

Laërte.

Son père est mon ami, — celui de votre mère.
Nous avons le projet, depuis plus de vingt ans,
De mourir en famille, et d’unir nos enfants.
Plût au ciel, pour tous deux, que son fils eût un frère !