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ACTE Second


Scène I.

Le jardin. — Il est nuit.
LE DUC LAËRTE en robe de chambre ; SILVIO, enveloppé d’un manteau.
Laërte.

Lorsque cette lueur, que vous voyez là-bas,
Après avoir erré de fenêtre en fenêtre,
Tournera vers ce coin pour ne plus reparaître,
Il sera temps d’agir, — Elle y marche à grands pas.

Silvio.

Je vous l’ai dit, seigneur, cela ne me plaît pas.

Laërte.

Eh bien, moi, tout cela m’amuse à la folie.
Je ne fais pas la guerre à la mélancolie.
Après l’oisiveté, c’est le meilleur des maux.
En général d’ailleurs, c’est ma pierre de touche ;
Elle ne pousse pas, cette plante farouche,
Sur la majestueuse obésité des sots.
Mais la gaîté, Silvio, sied mieux à la vieillesse ;
Nous voulons la beauté pour aimer la tristesse.
Il faut bien mettre un peu de rouge à soixante ans ;
C’est le métier des vieux de dérider le temps.
On fait de la vieillesse une chose honteuse ;
C’est tout simple : ici-bas, chez les trois quarts des gens,
Quand elle n’est pas prude, elle est entremetteuse.