Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/326

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Entre l’âme et le corps, ces frères ennemis !
Ce qui m’étonne, moi, c’est que Dieu l’ait permis.
Voilà le nœud gordien qu’il fallait qu’Alexandre
Rompît de son épée et réduisit en cendre.

XLIX


L’âme et le corps, hélas ! ils iront deux à deux,
Tant que le monde ira, — pas à pas, côte à côte, —
Comme s’en vont les vers classiques et les bœufs.
L’un disant : « Tu fais mal ! » et l’autre : « C’est ta faute ! »
Ah ! misérable hôtesse, et plus misérable hôte !
Ce n’est vraiment pas vrai que tout soit pour le mieux.

L


Et la preuve, lecteur, la preuve irrécusable
Que ce monde est mauvais, c’est que pour y rester
Il a fallu s’en faire un autre, et l’inventer.
Un autre ! — monde étrange, absurde, inhabitable,
Et qui, pour valoir mieux que le seul véritable,
N’a pas même un instant eu besoin d’exister.

LI


Oui, oui, n’en doutez pas, c’est un plaisir perfide
Que d’enivrer son âme avec le vin des sens ;
Que de baiser au front la volupté timide
Et de laisser tomber, comme la jeune Elfride,
La clef d’or de son cœur dans les eaux des torrents.
Heureux celui qui met, dans de pareils moments