Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/338

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Au peuple travailleur des discuteurs damnés !
Molière t’écoutait lorsqu’il venait d’écrire.
Quel mépris des humains dans le simple et gros rire
Dont tu lui baptisais ses hardis nouveau-nés !

XI


Il ne te lisait pas, dit-on, les vers d’Alceste ;
Si je les avais faits, je te les aurais lus.
L’esprit et les bons mots auraient été perdus ;
Mais les meilleurs accords de l’instrument céleste
Seraient allés au cœur comme ils en sont venus.
J’aurais dit aux bavards du siècle : « À vous le reste. »

XII


Pourquoi donc les amants veillent-ils nuit et jour ?
Pourquoi donc le poëte aime-t-il sa souffrance ?
Que demandent-ils donc tous les deux en retour ?
Une larme, ô mon Dieu ! voilà leur récompense ;
Voilà pour eux le ciel, la gloire et l’éloquence,
Et par là le génie est semblable à l’amour.

XIII


Mon premier chant est fait. — Je viens de le relire.
J’ai bien mal expliqué ce que je voulais dire ;
Je n’ai pas dit un mot de ce que j’aurais dit,
Si j’avais fait un plan une heure avant d’écrire ;
Je crève de dégoût, de rage et de dépit.
Je crois, en vérité, que j’ai fait de l’esprit.