Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/36

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Camargo.

Ne recommencez pas à vous fâcher.Et celle
De tantôt ? Quels étaient ces gens ? — Que faisait-elle,
Cette femme ? — J’ai vu ! — Voudrais-tu t’en cacher ?
Quelque fille, à coup sur. — J’irai lui cravacher
La figure ! —

Rafael.

La figure ! —Ah ! tout beau, ma belle Bradamante.
Tout à l’heure, voyez, vous étiez si charmante !

Camargo.

Tout à l’heure j’étais insensée ; — à présent
Je suis sage !

Rafael.

Je suis sage !Eh ! mon Dieu, l’on vous fâche en faisant
Vos plaisirs ! — J’étais là, près de vous. — Vous me dites
D’aller là regarder si l’on vient. — Je vous quitte,
Je reviens. — Vous partez pour Vienne : Par la croix
De Jésus ! qui saurait comment faire ?

Camargo.

De Jésus ! qui saurait comment faire ?Autrefois,

Montrant son lit.

Quand je te disais : « Va ! » c’était à cette place !
Tu t’y couchais sans moi. — Tu m’appelais par grâce ! —
Moi, je ne venais pas. — Toi, tu priais. — Alors
J’approchais lentement, — et tes bras étaient forts
Pour me faire tomber sur ton cœur ! — Mes caprices
Étaient suivis alors, — et tous étaient justices.
Tu ne te plaignais pas ; c’était toi qui pleurais !
Toi qui devenais pâle, et toi qui me nommais
Ton inhumaine ! — Alors étais-je ta maîtresse ?

Rafael, se jetant sur le lit.

Mon inhumaine ! allons ! ma reine ! ma déesse !