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DON PAEZ.

 c’est jour de fête, un tour de promenade,
Veux-tu ? — Non, ma jument anglaise est trop malade.
— Adieu donc ; que le diable emporte ta jument !
— Don Paez ! mon amour, reste encore un moment.
— Ma charmante, allez-vous me faire une querelle ?
Ah ! je m’en vais si bien vous décoiffer, ma belle,
Qu’à vous peigner, demain, vous passerez un jour !
— Allez-vous-en, vilain ! — Adieu, mon seul amour ! "

Il jeta son manteau sur sa moustache blonde,
Et sortit ; l’air était doux, et la nuit profonde ;
Il détourna la rue à grands pas, et le bruit
De ses éperons d’or se perdit dans la nuit.

Oh ! dans cette maison de verdeur et de force,
Où la chaude jeunesse, arbre à la rude écorce,
Couvre tout de son ombre, horizon et chemin,
Heureux, heureux celui qui frappe de la main
Le col d’un étalon rétif, ou qui caresse
Les seins étincelants d’une folle maîtresse !

II

Don Paez, l’arme au bras, est sur les arsenaux ;
Seul, en silence, il passe au revers des créneaux ;
On le voit comme un point ; il fume son cigare
En route, et d’heure en heure, au bruit de la fanfare,
Il mêle sa réponse au qui-vive effrayant