De la force que Dieu met aux mains des mourants.
Oh ! je te montrerai si c’est après deux ans,
Deux ans de grincements de dents et d’insomnie,
Qu’une femme pour vous s’est tachée et honnie,
Qu’elle n’a plus au monde, et pour n’en mourir pas,
Que vous, que votre col où pendre ses deux bras,
Qu’elle porte un amour à fond, comme une lame
Torse, qu’on ôte plus du cœur sans briser l’âme ;
Si c’est alors qu’on peut la laisser, comme un vieux
Soulier qui n’est plus bon à rien.
RAFAEL
Ah ! les beaux yeux !
Quand vous vous échauffez ainsi, comme vous êtes
Jolie !
CAMARGO
Oh ! laissez-moi, monsieur, ou je me jette
Le front contre ce mur !
RAFAEL, l’attirant.
Là là, modérez-vous.
Ce mur vous ferait mal ; ce fauteuil est plus doux.
Ne pleurez donc pas tant. — Ce que j’ai dit, mon ange,
Après votre demande, était-il donc étrange ?
Je croyais vous complaire, en vous parlant ainsi ;
Mais - je n’en pensais pas une parole.
CAMARGO
Oh ! si !
Si, vous parliez franc.
RAFAEL
Non. L’avez-vous bien pu croire ?
Vous me faisiez un conte, et j’ai fait une histoire.
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