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Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1887.djvu/70

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Ah ! ne me faites pas cette mortelle injure,
Que de me croire un cœur fait à cette imposture.
Je n’étais plus moi-même, et le ciel m’est témoin
Que de vous mériter nul n’a pris plus de soin.
Camargo
Je te crois volontiers en effet la cervelle
Troublée. — Et cette plaque enfin, d’où te vient-elle ?
L’Abbé
De lui.
Camargo
Lui ! — L’as-tu donc égorgé ?
L’Abbé
Moi ? Non point ;
Je l’ai laissé très vif, une bouteille au poing.
Camargo
Quel jeu jouons-nous donc ?
L’Abbé
Eh ! madame, lui-même
Ne pouvait-il pas seul trouver ce stratagème ?
Et ne voyez-vous point que lui seul m’a donné
Ce dont je devais voir mon amour couronné ?
Et quel autre que lui m’eût dit votre demeure ?
M’eût prêté ces habits ? m’eût si bien marqué l’heure ?
Camargo
Rafael ! Rafael ! le jour que de mon front
Mes cheveux sur mes pieds un à un tomberont,
Que ma joue et mes mains bleuiront comme celles
D’un noyé, que mes yeux laisseront mes prunelles
Tomber avec mes pleurs, alors tu penseras
Que c’est assez souffert, et tu t’arrêteras !