Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/122

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n’était plus beau que cette enveloppe dont ne pouvait sortir cette pauvre âme. Sa taille, son visage, ses longs cheveux bouclés, ses yeux surtout d’un éclat incomparable, surprenaient tout le monde. En même temps que ses regards essayaient de tout deviner, et ses gestes de tout dire, son air réfléchi et mélancolique prêtait à ses moindres mouvements, à ses allures d’enfant et à ses poses un certain aspect d’un air de grandeur ; un peintre ou un sculpteur en eût été frappé. On s’approcha de madame des Arcis, on l’entoura, on fit mille questions par gestes à Camille ; à l’étonnement et à la répugnance avaient succédé une bienveillance sincère, une franche sympathie. L’exagération, qui arrive toujours dès que le voisin parle après le voisin pour répéter la même chose, s’en mêla bientôt. On n’avait jamais vu un si charmant enfant ; rien ne lui ressemblait, rien n’était si beau qu’elle. Camille eut enfin un triomphe complet, auquel elle était loin de rien comprendre.

Madame des Arcis le comprenait. Toujours calme au dehors, elle eut ce soir-là un battement de cœur qui lui était dû, le plus heureux, le plus pur de sa vie. Il y eut entre elle et son mari un sourire échangé, qui valait bien des larmes.

Cependant une jeune fille se mit au piano, et joua une contredanse. Les enfants se prirent par la main, se mirent en place et commencèrent à exécuter les pas que le maître de danse de l’endroit leur avait appris.