Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/308

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tout se ferme ou se détourne, et il se promène ainsi au hasard dans une prison invisible.

— Je m’y remuerai tant que j’en sortirai.

— Pas plus qu’un autre. Le fils de M. de Meynières n’était pas plus coupable que vous. Il avait, comme vous, des promesses, les plus légitimes espérances. Son père, le plus dévoué sujet de Sa Majesté, le plus honnête homme du royaume, repoussé par le roi, est allé, avec ses cheveux gris, non pas prier, mais essayer de persuader la grisette. Savez-vous ce qu’elle a répondu ? Voici ses propres paroles, que M. de Meynières m’envoie dans une lettre : « Le roi est le maître ; il ne juge pas à propos de vous marquer son mécontentement personnellement ; il se contente de vous le faire éprouver en privant monsieur votre fils d’un état ; vous punir autrement, ce serait commencer une affaire, et il n’en veut pas ; il faut respecter ses volontés. Je vous plains cependant, j’entre dans vos peines, j’ai été mère ; je sais ce qu’il doit vous en coûter pour laisser votre fils sans état. » Voilà le style de cette créature, et vous voulez vous mettre à ses pieds !

— On dit qu’ils sont charmants, monsieur.

— Parbleu ! oui. Elle n’est pas jolie, et le roi ne l’aime pas, on le sait. Il cède, il plie devant cette femme. Pour maintenir son étrange pouvoir, il faut bien qu’elle ait autre chose que sa tête de bois.

— On prétend qu’elle a tant d’esprit !

— Et point de cœur ; le beau mérite !