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LE PROGRÈS DES IDÉES POSITIVES DANS L’ESTHÉTIQUE

sociale et intellectuelle des beaux arts, et surtout de la poésie et de la musique, devait devenir tout à fait prédominante. « En effet, une telle constitution religieuse attribuait spontanément aux facultés esthétiques une participation accessoire, et pourtant directe,’ aux opérations théologiques fondamentales » (1). Sous le polythéisme, quand la philosophie avait introduit, pour l’explication d’un phénomène, une divinité nouvelle, l’art devait s’en emparer pour lui donner un costume et des mœurs convenables à sa destination, ainsi qu’une histoire détaillée — en un mot, pour rendre cette divinité concrète. Tandis que dans le fétichisme, les dieux étaient déjà concrets, dans le polythéisme, l’art devait les rendre tels. Sous cet état religieux, les beaux-arts étaient investis d’une sorte de fonction dogmatique. Une troisième cause de la prospérité des arts à l’âge polythéiste est le fait que cette conception religieuse ouvre le champ moral et même social à leur activité, le fétichisme ne leur ayant offert que le champ purement matériel. Enfin, le polythéisme, religion par excellence populaire, assurait aux arts une popularité qu’ils n’ont jamais depuis retrouvée.

Sous le troisième et dernier état théologique, l’âge du monothéisme, les beaux-arts devaient perdre quelque peu le magnifique essor que leur imprima le polythéisme. Pourtant la musique et l’architecture firent des rapides progrès pendant le Moyen Age, époque caractérisée, d’une part, par l’accentuation de l’indépendance personnelle et, d’autre, par l’embellissement de la vie domestique (2). Le catholicisme aida les beaux arts en développant l’activité spéculative chez toutes les classes et en offrant une destination permanente à chacun de ces arts ; en effet, les cathédrales devinrent des musées, où la musique, la peinture, la sculpture et l’architecture figurèrent. La religion catholique usa même, envers les artistes, de puissants moyens d’encouragement individuel.

Le Moyen Age est le berceau de la grande évolution esthétique des sociétés modernes. Tant que l’esclavage et la guerre ont caractérisé l’économie sociale, il est clair que les beaux arts ne pouvaient réellement acquérir une grande popularité. L’évolution industrielle, propre à la fin du Moyen Age, favorisa les beaux-arts en les vulgarisant (3).

(1) Ibid., vol. V, p. 101.

(2) Ibid., vol. VI, p. 146.

(3) Ibid., vol. VI, p. 1G2.