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SONNETS
LE JUIF-ERRANT
Quand l’Océan avait déchaîné ses tempêtes,
Sans fléchir j’ai marché sur les flots en courroux ;
Dans les villes en feu, comme en des lieux de fêtes,
J’ai porté mon espoir, des victimes jaloux.
Aux lions affamés, sanguinaires athlètes,
Je me suis présenté : mon sourire était doux ;
Et lorsqu’ils rugissaient, en secouant leurs têtes,
J’ai promené ma main sur leurs larges flancs roux.
L’air où la peste étend comme un linceul livide
A gonflé mes poumons de son poison perfide ;
J’ai cherché vainement d’inévitables morts.
J’obéis à la voix qui constamment s’élève,
Et je marche toujours, sans repos et sans trêve :
Je suis le Juif-Errant — ou plutôt le remords.
Janvier 1866.