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les farfadets


le sorcier bos

Et, le labeur du jour fini, ces jeunes gens s’ébattaient comme linots et fauvettes sous l’œil attendri des anciens, rêvant, le regard perdu dans le passé, le menton appuyé sur leur pen-bas.

Et je vous affie qu’il faisait bon vivre ?

Ce fut ainsi jusqu’au soir de malheur où le père Bos revint du fond des bois, en prononçant des paroles étranges, la face plus pâle qu’un suaire, les yeux ardents ainsi que deux chandelles.

Comme chacun s’enquérait à lui s’il n’avait point eu quelque malencontre, il grimpa jusqu’au plus haut du clocher, regarda tout au fond de la plaine, battit l’air de ses grands bras, pareil à un coq noir qui va chanter.

Puis on l’entendit crier d’une voix rauque :

« Ils viennent ! Ils viennent ! Terre et ciel ! Ah ! pauvres de nous ! »

Après quoi il traversa le village sans ajouter un mot, et disparut dans une « cavée » qui menait aux bois.

Or, mes amis, ce que vit le sorcier Bos, cette nuit-là, était un spectacle trop terrible pour des yeux humains.

Car, pour en comprendre l’horreur, il est nécessaire d’avoir deviné l’esprit des choses.

Il faut savoir comme le sylvestre vieillard cet admirable langage que murmurent les feuillages remués, l’eau qui sourd, l’insecte qui vole.

On doit, avant de pouvoir en pénétrer le mystère, s’être perdu durant de longues heures dans cette forêt : une touffe d’herbe : avoir eu le