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LE CORPS DIPLOMATIQUE

fort bien traité par le Régent, était dès longtemps très accueilli dans la société. La jeune femme qu’il ramenait se trouvait petite nièce de la Reine, propre nièce de la duchesse de Cumberland, cousine et bientôt favorite de la princesse Charlotte.

C’étaient bien des moyens de succès. La comtesse de Lieven en frémit et ne put cacher son dépit, car, en outre de ses autres avantages, la nouvelle ambassadrice était plus jeune, plus jolie, et avait un impertinent embonpoint qui offusquait la désespérante maigreur de sa rivale. Cependant elle s’aperçut promptement que la princesse ne profiterait pas de sa brillante position. Toute aux regrets d’une absence forcée de Vienne, elle périssait de chagrin à Londres et, au bout de fort peu de mois, elle obtint la permission de retourner en Allemagne. Elle était à cette époque fort gentille et fort bonne enfant ; nous la voyions beaucoup, elle se réfugiait dans notre intérieur contre les ennuis du sien et contre les politesses hostiles et perfides de la comtesse de Lieven. Je dois convenir lui en avoir vu exercer envers la princesse Esterhazy. Pour nous, elle a été uniformément gracieuse et obligeante ; nous n’offusquions en rien ses prétentions.

La France, écrasée par une occupation militaire et les sommes énormes qui lui étaient imposées, avait besoin de tout le monde pour l’aider à soulever quelque peu de ce fardeau et n’était en mesure de disputer le pavé à personne.

La comtesse, devenue princesse de Lieven, a un esprit extrêmement distingué, exclusivement appliqué à la diplomatie plus encore qu’à la politique. Pour elle tout se réduit à des questions de personnes. Un long séjour en Angleterre n’a pu, sous ce point de vue, élargir ses premières idées russes, et c’est surtout cette façon d’envisager les événements qui lui a acquis et peut-être