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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

— Pourquoi donc, madame ?

— Comment pouvez-vous annoncer ici un pareil événement ? Casser une Chambre ! Les anglais ne voudront jamais croire que ce soit possible ? »

Mon père lui affirma que rien n’était plus commun dans les usages britanniques et qu’il n’en résulterait pas même de surprise.

« Vous m’accorderez bien au moins que, si on cassait le Parlement, on n’oserait pas avoir assez peu de pudeur pour annoncer en même temps des élections et en convoquer un autre ? »

Voilà où en était l’éducation de nos dames du palais sur les gouvernements représentatifs. Madame de Vaudreuil passait pour avoir de l’esprit et exercer quelque influence sur madame la duchesse d’Angoulême. Elle était une des ouailles favorites de l’abbé Latil. Je pense que toute sa société n’était guère plus habile qu’elle sur la pondération des pouvoirs constitutionnels.

Je ne me rappelle pas, si je l’ai su, comment les négociations s’entamèrent avec les cabinets de la Sainte-Alliance. Elles étaient arrivées au point qu’on était à peu près d’accord que l’occupation de notre territoire pouvait être abrégée en avançant le terme des payements imposés ; mais atteindre ce but était fort difficile.

Le duc de Wellington s’opposait à voir diminuer l’armée d’occupation, en reconnaissant pourtant que la dépense qu’elle occasionnait écrasait le pays et rendait plus difficile le remboursement des contributions, réclamées par les puissances, avant de consentir à l’évacuation complète de la France.

L’armée d’occupation était à peine suffisante, selon le duc, pour se faire respecter. Vainement on lui représentait qu’elle était surtout imposante par sa force morale et qu’une diminution numérique, en calmant les esprits, en