Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
251
GEORGINE DILLON

elle avait trop de candeur pour être propre à la soutenir.

Le Roi obtint cependant qu’elle vînt passer huit jours à Berlin avec ses parents. Ils furent admis deux fois au souper de famille et les princes les comblèrent de caresses. Le mariage paraissait imminent ; ils retournèrent à Dresde où mon oncle était ministre de France.

Tout était réglé. Le Roi demanda que la duchesse de Brandebourg se fit luthérienne ; Georgine refusa péremptoirement. Il se rabattit à ce qu’elle suivit les cérémonies extérieures du culte réformé ; elle s’y refusa encore. Du moins, elle ne serait catholique qu’en secret et ne pratiquerait pas ostensiblement, nouveau refus de la sage Georgine, malgré les vœux secrets de sa mère, trop pieuse pour oser insister formellement. Son père la laissait libre.

Les négociations traînèrent en longueur ; la fantaisie que le Roi avait eue pour elle se calma. On lui démontra l’inconvénient d’épouser une étrangère, une française, une catholique ; et, après avoir fait jaser toute l’Europe avec assez de justice comme on voit, ce projet de mariage tomba sans querelle et sans rupture. La petite ne donna pas un soupir à ces fausses grandeurs ; sa mère qui l’adorait se consola en la voyant contente. Mon oncle demanda à quitter Dresde pour ne pas se trouver exposé à des relations directes avec le roi de Prusse. Cela aurait été gauche pour tout le monde après ce qui s’était passé.

Sa Majesté Prussienne avait l’habitude de venir tous les ans à Carlsbad, et une nouvelle rencontre aurait pu amener une reprise de passion dont personne ne se souciait. Mon oncle sollicita et obtint de passer de Dresde à Florence. Cette résidence lui plaisait ; elle convenait à son âge, à ses goûts et elle était favorable pour achever l’éducation de sa fille ; car cette Reine élue n’avait pas encore dix-sept années accomplies.