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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

tirer un coup de pistolet à poudre pour saisir ce prétexte de prolonger l’occupation.

Il faut rendre justice au duc de Wellington ; il était incapable d’entrer dans une pareille machination ; mais il conçut beaucoup d’humeur de ces propos, et, il le faut répéter, notre sort dépendait en grande partie de ses bonnes dispositions, car, lui seul pouvait prendre l’initiative et affirmer aux souverains que la présence en France de l’armée d’occupation, dont il était généralissime, avait cessé d’être nécessaire au repos de l’Europe.

Toute la police était en mouvement sans rien découvrir. Les ultras se frottaient les mains et assuraient que les étrangers séjourneraient cinq années de plus. Enfin on eut des révélations de Bruxelles. Milord Kinnaird, fort avant dans le parti révolutionnaire mais en deçà pourtant de l’assassinat, dénonça l’envoi d’un nommé Castagnon par le comité révolutionnaire séant à Bruxelles où tous les anciens jacobins, présidés par les régicides expulsés du royaume, s’étaient réfugiés. On acquit la preuve que ce Castagnon avait tiré contre le duc. Il fut déféré aux tribunaux et sévèrement puni et le duc se tint pour satisfait. Il entrait consciencieusement dans le projet de libérer la France des troupes sous ses ordres, mais on pouvait toujours redouter ses caprices.

La diminution de l’armée obtenue l’année précédente donnait droit à de grandes espérances. Toutefois, les traités portaient cinq ans de cette occupation, si onéreuse et si humiliante, et la troisième était à peine commencée. Tous les soins du gouvernement étaient employés à obtenir notre délivrance. Il était contrecarré par le parti ultra qui éprouvait, ou feignait, une grande alarme de voir l’armée étrangère quitter la France.

Monsieur avait dit au duc de Wellington, et malheu-