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94 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

âge, il ne pouvait, de seize à dix-neuf ans, s'absor- ber exclusivement dans ses fonctions de commis pharmacien et ses lectures. La société de Reimann ne pouvait lui suffire. Il lui fallait des amis, au moins des camarades. Tant qu'il fut chez Rei- mann, il n'en eut pas. Comme il fallait tout de même qu'il causât, qu'il rît, qu'il eût du mouve- ment autour de lui, il eut d'abord pour compagnon de jeux, semble-t-il, un être collectif: les gamins de Grimstad. Ils l'appelaient : " Le gars pharma- cien ", ou même : Henrik, et dès qu'il se mon- trait dehors, ils l'entouraient, garçons et filles, car il y avait toujours occasion de s'amuser avec lui. Et alors, c'étaient des plaisanteries sur les voisins. On cite ainsi un impromptu où tous les prénoms d'une famille figurent à peu près comme ceci : " La table est servie, dit Sylvie ; ça n'est pas trop tôt, dit Margot, etc. " ^ Excité par les rires de ses auditeurs, il est clair qu'il ne se contentait pas toujours de jeux aussi innocents. Il satisfaisait ainsi aux besoins d'expansion de sa jeunesse d'une façon à la fois excitante et médiocre. Car la foule des gamins n'était que spectatrice, et il était seule- ment leur amuseur. Nulle camaraderie plus per- sonnelle n'est résultée de là, et il a vécu au moins pendant trois ans, de seize à dix-neuf, dans une affreuse solitude.

1 Bien entendu, ceci n'est pas une traduction. — Eids'voldy 1900, n» 233.

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