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RÉFLEXIONS SUR LA LITTERATURE > I037

ment, mais assez pour que nous les jugions charmantes. Je ne crois pas que le roman de M. Bordeaux décourage ses imita- teurs (j'en connais !), mais la préface de M. Bordeaux, ou plutôt, dans cette préface, les propos de son aînée, mademoiselle Paulette, décourageront tous ses critiques, qui ne pourront jamais qu'ajouter du grossier et du lourd aux deux aphorismes décisifs dont cette malicieuse petite personne a décoré son auteur. Voici le premier. Elle est entrée dans le cabinet de travail de papa. Elle est entrée là comme on entre chez le marchand de sucres d'orge. Elle n'a point senti cette aura qui souffle dans les lieux inspirés. Mais simplement " la voilà qui vient et qui me pose sa petite main sur le front. — Paulette, ma mie, que me vcux-tu ? — Mais, papa, ton front n'est pas mouillé. — Pourquoi, diable, mon front serait-il mouillé ? — Tu ne gagnes pas ton pain à la sueur de ton front. Elle avait lu dans son Histoire Sainte, etc. " Cela est profond. Il se voit que M. Henry Bordeaux n'écrit pas à la sueur de son front, que son travail est facile et paisible, lisse et sec. Victor Hugo, ainsi admonesté par Georges ou Jeanne, aurait peut-être crié, comme le Colosse de Rhodes dans la Légende des Siècles :

La goutte de r orage est ma seule sueur !

M. Henry Bordeaux, lui, n'avait pas d'orage romantique ni d'inspiration panique à évoquer, et il est resté coi. — Vous avez raison, Paulette. Il y a ceux qui gagnent à la sueur de leur front le pain de leur pensée, et il y a les autres. Quand la carafe est en sueur, c'est que son eau est fraîche.

Et le second. A ila veille du premier janvier, Paulette et son papa ont été faire un tour de promenade aux Champs- Elysées, mais, comme c'est le moment des étrennes, que la maison est déjà encombrée de cadeaux, sa mère a défendu qu'on achetât rien à Paulette. Et M. Henry Bordeaux, qui est un jeune papa, tient compte de cette recommandation à peu près comme ferait un vieux grand-père. Il achète ce qu'on

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