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LE CINQUANTENAIRE D ALFRED DE VIGNY II 5

ie propre de toute sensibilité extrême de se sentir refoulée, €t ce n'est point, d'ordinaire, auprès des professeurs et des colonels qu'elle saurait trouver, dans la vie, ses plus délicates satisfactions. Ce qu'il dit de cette sévérité, on le dirait aussi bien de toutes les parties élevées et solitaires <le son âme. La vie qui lui échut le cribla de désillusions ; mais toute autre destinée, sur sa nature, eût agi de même: il portait en lui l'esprit de désillusion, — les exigences à l'égard de la vie, le refus de s'abaisser et de se mouvoir pour satisfaire ces exigences.

" Cinq-Mars^ Stello^ Servitude et Grandeur Militairey <lit-il, sont les chants d'un poème épique sur la désillu- sion. " L'esquisse, si l'on veut, d'un poème épique chu dans le roman, mais qui, marchant entre ces brancards, sent, au dessus de lui, les ailes captives et mutilées des Poésies, Les romans, comme les poèmes, figurent en fresques <lécoratives les mémoires stylisés d'une âme. Noble, soldat, poète, il a dit dans Cinq-Mars l'écrasement de la noblesse.

Entre les voix ingrates et les bourgeois jaloux^

dans Servitude l'écrasement du soldat sous l'obéissance passive, dans Stello l'écrasement du poète sous toutes les iîgures diverses et ennemies, mais également impitoyables €t pesantes, de l'Etat.

Il se tient ici, plus qu'aucun autre, dans le principe même et au foyer du romantisme ; il en demeure l'âme de feu, triste et fervente. Les grands romantiques, pour qui le monde extérieur existe, se répandent pleins de santé €t d'ardeur sur cet univers ; ils marchent, au nom de leur personne, au nom de la vie, vers la conquête de la nature par la description aussi bien que vers la conquête du pouvoir

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