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Page:NRF 11.djvu/123

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LE CINQUANTENAIRE D ALFRED DE VIGNY II 7

Je suis r impassible théâtre

Que ne peut remuer le pied de ses acteurs.

Mes marches démeraude et mes parvis d'albâtre^

Mes colonnes de marbre ont les dieux pour sculpteurs.

Je n'entends ni vos cris, ni vos soupirs ; à peine

Je sens passer sur moi la comédie humaine

Qui cherche en vain au ciel ses muets spectateurs.

Je roule avec dédain sans voir et sans entendre

A coté des fourmis les populations.

Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre.

J"* ignore en les portant les noms des nations.

On me dit une mhe et je suis une tombe.

3\4on hiver prend vos morts comme son hécatombe.

tMon printemps ne sent pas vos adorations.

Lisez dans Victor Hugo Melancholia des Contemplations. Souvenez-vous des ^Misérables. Cette figure de la Nature est exactement jumelle de celle que les romantiques ont prêtée à la société, à TEtat. C'est contre elle qu'une poésie généreuse suscite l'émotion, l'indignation, le feu des libres ardeurs. Et la poésie de la {Maison du Berger, comme l'aiguille du manomètre, en indique nettement, sur toute la machine sociale et séculaire, les deux résultats : le primat de la sensibilité féminine, la religion de la souffrance humaine.

Il semble que Vigny ait voulu dans Eva faire vivre le cœur pur de toute beauté et de toute tendresse, de toute noblesse et de toute poésie. Partir, oublier

sur son épaule nue La lettre sociale écrite avec le fer y

ne connaître des choses qu'un lit silencieux pour des

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