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136 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'étranger. Ce sont des formules heureuses, dignes de rester, jusqu'à ce que de nouvelles précisions viennent les remplacer, dans le vocabulaire de la critique.

La seconde partie du livre de M. Baldensperger est con- sacrée aux rapports de la littérature avec la société. Il détruit d'abord, ou du moins réduit à de justes proportions, la doctrine de Taine, " la littérature, expression de la société ". Les chapitres consacrés au succès, à la " gloire ", à la formation des légendes, sont moins intéressants et semblent, du moins à des professionnels, presque inutiles. Mais il ne faut pas oublier que ce livre appartient à une collection de vulgarisation scienti- fique. L'auteur a raison d'insister sur la relativité du succès, sur le " jeu de probabilités " sur quoi est fondée " toute renommée durable. " Pourtant il y a un problème qu'il n'a pas abordé, et qui semble avoir sa place dans le chapitre du succès : c'est celui de la culture intellectuelle. Qui lit ? quelles classes sociales ont eu et ont actuellement le privilège de la culture littéraire ? Et c'est ici que la relativité générale de ces questions se limite un peu, et qu'on arrive à plus de précision. Il y a une courbe assez nette ; il y a une loi qui semble attacher aux classes diri- geantes, en tout temps, le privilège de la culture artistique. Par exemple, il existe actuellement une littérature populaire, c'est-à- dire que lit et goûte le peuple : mélodrame, feuilletons. Il faudrait étudier de près cette littérature ; mais, dès l'abord, elle paraît bien n'être qu'un sous-produit de la littérature des classes dirigeantes : elle est en retard, elle représente et s'obstine à représenter des états antérieurs de la littérature bourgeoise. Elle est conservatrice tandis que la littérature dirigeante est novatrice ; c'est là son caractère éminent : même lorsqu'elle se croit, politiquement, réactionnaire, la littérature des classes dirigeantes est de tendances révolutionnaires. M. Baldensperger a touché cette question dans le chapitre de la transformation des notions directrices. Il ne semble pas avoir insisté assez, alors, sur la tradition, sur la nécessité, qui paraît absolue, de la

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