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158 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tous les autres, que l'âme hellénique exalte les forces individuelles que la discipline romaine avait réussi si longtemps à uniformiser.

N'est-ce pas intéressant pour la compréhension de tout un genre, de surprendre, à côté de la source religieuse du théâtre par les mystères, de sa source savante par la Renaissance, l'origine aristocratique et royale de l'opéra, fête somptueuse et arbitraire où l'on ne songe qu'à la pompe, au faste, à la beauté, à la manifestation de puissance et de richesse sans y réclamer la vraisemblance, la vérité, le but, l'utilité qui sont la condition du théâtre dialogué d'origine bourgeoise.

Les enseignements que l'on peut tirer de la bibliographie théâtrale ainsi comprise sont inépuisables ; mais ce n'est pas par vanité que M. Rondel en a parlé à propos de la collection pres- que complète qui est la sienne et du classement qu'il a réalisé et qui manifeste si bien les lois cachées mais agissantes de la vie littéraire. Semblable à ce grand bibliophile qui mettait sur les reliures de ses livres la délicate devise " Grollieri et ami- corum ", il souhaiterait que son travail servît à autre chose qu'à lui donner la joie de l'accomplir et qu'il fût, pour tous ceux qui s'intéressent à la littérature, de quelque utilité. Mais il faudrait pour cela que son œuvre lui survécut et qu'elle évitât le sort funeste de toutes les collections, la dispersion. M. Rondel rappelle avec mélancolie le sort de la bibliothèque Soleinne, la seule collection théâtrale qui ait été aussi riche que la sienne. M. de Soleinne avait voulu la léguer à la Comédie Française, mais sur le faux bruit qu'elle avait vendu une partie de ses archives, il songe à la Bibliothèque Royale ; mais il veut garder à sa collection son ensemble et demande pour elle une sépara- tion complète de local, d'administration et de destinée. Il meurt brusquement avant d'avoir reçu une réponse et ses héri- tiers vendent aux enchères les 6000 numéros du merveilleux catalogue. On sent dans les regrets que lui inspire la mort de la bibliothèque Soleinne que M. Rondel voudrait éviter à la sienne un sort aussi lamentable. Avec une exquise modestie.

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