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pait constamment du gilet qu’il avait accoutumé de porter très ouvert ; Marguerite de Baraglioul trouverait certainement trop négligé le foulard crème qui l’avait remplacé, et que maintenait, monté sur épingle, un vieux gros camée sans valeur ; il avait eu bien tort de quitter les petits nœuds noirs tout faits qu’il portait à Paris communément, et surtout de n’en pas garder un pour modèle. Quelles formes allait-on lui proposer ? Il ne se déciderait pas avant d’avoir visité plusieurs chemisiers du Corso et de la via dei Condotti. Les coques, pour un homme de cinquante ans, étaient trop libres ; décidément c’était un nœud tout droit, d’un noir bien mat qui convenait...

Le déjeuner n’était que pour une heure. Anthime rentra vers midi avec l’emplette, à temps pour peser ses animaux.

Ce n’était pas qu’il fût coquet, mais Anthime éprouva le besoin d’essayer sa cravate avant de se mettre au travail. Un débris de miroir gisait là, qui lui servait naguère à provoquer des tropismes ; il le posa de champ contre une cage et se pencha vers son propre reflet.

Anthime portait en brosse des cheveux encore épais, jadis roux, aujourd’hui de cet inconstant jaune grisâtre que prennent les vieux objets d’argent doré ; ses sourcils avançaient en broussaille au-dessus d’un regard plus gris, plus froid qu’un ciel d’hiver ; ses favoris, arrêtés haut et coupés court, avaient conservé le ton fauve de sa moustache bourrue. Il passa le revers de la main sur ses joues plates, sous son large menton carré :

— Oui, oui, marmonna-t-il ; je me raserai tantôt.

Il sortit de l’enveloppe la cravate, la posa devant lui ;