Page:NRF 11.djvu/337

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 331

datent d'assez longtemps. Je pense d'ailleurs que Signoret et Gasquet eussent été de plus grands et de plus fiers poètes dans leur langue natale qu'en français : j'en suis encore plus certain après la lecture du Lausié d^Arle.

Dans une poésie qui n'en est qu'à son premier demi-siècle, cette beauté des formes prend d'ailleurs une importance capi- tale, revêt par elle seule une valeur morale, en ce sens qu'elle apparaît chargée des destinées verbales de la race. Je ne regrette nullement de n'avoir pas à en louer, dans le Lamié d^Arle, une autre. Trois de ces formes présentent un intérêt très vivant.

D'abords les petites formes lyriques de la stance simple, à quatre octosyllabes. En provençal comme en français, elle est la plus naturelle, la plus facile. Mistral l'a généralement dédaignée, sauf dans son dernier recueil, lis Ouîivado, où elle lui fournit, après quelques jolies pièces, l'exquise perle qui clôt le livre. Aubanel, qui n'a rien du tout d'un inventeur rythmique, l'em- ploie souvent dans ses délicates poésies intimes. Félix Gras l'a adaptée admirablement à la narration dans sa seule œuvre poétique qui puisse compter, le Romancero provençal. M.d'Arbaud en use comme tous ces poètes, ainsi que de sa variante (la même avec un dernier vers de quatre syllabes) en lui donnant moins de fluidité que de densité et d'éclat.

Ensuite la stance de quatre alexandrins. Celle-là la poésie provençale est bien loin de l'avoir réussie du premier coup. Mistral ne l'a presque jamais employée, dans sa défiance très perspicace de l'alexandrin suivi, même lyrique : Aubanel au contraire en use fréquemment, mais assez maladroitement, peu habile à la fondre d'un jet, à trouver les bases puissantes et simples de sa musique (tout au moins dans la Miougrano entreduberto ; car les Fiho d'* Avignoun, d'un intérêt poétique bien moindre, paraissent souvent d'un métier plus sûr). Celles de M. d'Arbaud sont fort belles; je n'en connais pas de pareilles en provençal ; mais ce sont elles qui me rappelaient tout à l'heure la poésie de Signoret.

�� �