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LETTRES 377

prudent parce que " la vie est souvent Thistoire d'un avortement '\ Je n'ai pas " confiance dans le Peuple ". Mais je cours le risque, je l'aime, et j'en ai peur.

Tu vois : voilà l'art et la vie qui se rejoignent, et c'est l'essentiel. La morale de Rauh nous enjoint de nous intéresser " à ce qui commence, aux efforts obscurs des militants épars ". Voila pour la morale, pour la vie. Et quant à ce qui touche la pensée, l'art, la méthode de Bergson nous ordonne de sympathiser avec le mouvement, avec la vie. Où vois-tu le mouvement et la vie, si ce n'est là ? Et je veux observer et m'instruire. Il faut avant tout, dit Bergson, " une longue cama- raderie avec le réel ". Mais il faut aussi l'élan. Je réponds au moins de l'élan. Et je vais me mettre en contact avec le réel.

Et que vois-tu d'autre part qui soit aussi inté- ressant . Dis-le moi. Mais dis donc. Nos réac- tions ? Ah, nous sommes bien fatigués, mon vieux. L'art de Barrés est un art suprême. Au plein sens du mot. Fleur fragile et magnifique qui pousse " sur un sol nourri de désastres ". Et ce que tu appelles la fatigue de Barrés, moi je l'appelle son désir de tenir le rossignol. Et le rossignol lui échappe éternellement. Le dicton du père de Roemerspacher, c'est : " Avant de monter en barque, il faut savoir où est le poisson. " Avant de chasser le rossignol, il faut que l'oiseleur sache

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