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Page:NRF 11.djvu/402

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39^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ment, j'ai la ressource d'écouter les paroles des hommes sur la crue, et de voir autour de la Gare Saint-Lazare, une foule spirituelle et grave conte- nue par des petits soldats en " lourdes capotes ", qui, à dix heures, avidement, mangent leur mor- ceau de pain sec, en battant la semelle sur le pavé humide.

Images : tu as raison de les mépriser. C'est vrai qu'elles ne maillent pas, qu'elles ne font pas une chaîne qu'on peut tendre devant sa porte : qu'elles n'arrêtent pas la crue du monde qui noie notre passé. Si je regarde ma conscience, je vois qu'elle est pareille à ce pays inondé. Chaque année, sans m'augmenter, je change. Et chaque année la vie comme un fleuve vient détruire ce que j'ai bâti* Arrêter mon esprit et accroître ma sensibilité, ne pas toujours me laisser assaillir par les choses. Oui, c'est là le problème. Si je forme un système, si je ferme ma porte, si je ne sors que le Dimanche, je manque tout ce que la semaine m'aurait apporté, qui m'attendait sans doute et que je n'aurai plus.

Voici du bavardage : ce que je voulais dire, c'est que j'irai te voir, et t'écrirai bientôt une lettre plus ferme. Je ne peux pas supporter que nous soyons séparés. J'ai besoin de te voir, besoin que tu me grondes, et je t'envoie, mon vieux, ma profonde amitié.

Henri Franck.

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