462 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
dire ; il pressait convulsivement une main de Julius dans les deux siennes. Julius cependant l'examinait :
— Mon pauvre ami ; comme vous voilà fait !
La providence avait bien mal loti Julius : des deux beaux-frères qui lui restaient, l'un tournait au cagot ; l'autre était marmiteux. Depuis moins de trois ans qu'il n'avait revu Amédée, il le trouvait vieilli de plus de douze ; ses joues étaient rentrées, sa pomme d'Adam ressortie ; l'amaranthe de son foulard exagérait encore sa pâleur ; son menton tremblait ; ses yeux vairons roulaient d'une manière qui eût dû être pathétique et n'était que bouffonne ; il avait rapporté de son voyage de la veille un enrouement mystérieux, de sorte que semblaient venir de loin ses paroles. Tout occupé par sa pensée :
— Alors, vous l'avez vu ? dit-il. Et tout occupé par la sienne :
— Qui ? demanda Julius.
Ce qui ? retentit en Amédée comme un glas et comme un blasphème. Il précisa discrètement :
— Je croyais que vous sortiez du Vatican ?
— En effet. Excusez-moi : je rCj pensais plus... vous saviez ce qui m'arrive !
Ses yeux brillaient ; on eût cru qu'il allait jaillir ai lui-même, éclater, s'évaporer, se résoudre...
— Oh ! s'il vous plaît, supplia Fleurissoire : vous m« direz cela ensuite ; parlez-moi d'abord de votre visite. J< suis si impatient de savoir...
— Cela vous intéresse ?
— Bientôt vous comprendrez combien. Parlez ! parles je vous en prie.
— Eh bien ! voilà ! commença Julius, empoignant pî
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