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Page:NRF 11.djvu/481

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LES CAVES DU VATICAN 475

Se conformant aux volontés du comte, il n'avait donc pas pris le deuil. Une mortifiante déconvenue l'attendait chez les fournisseurs du marquis de Gesvres, son dernier oncle, lorsqu'il se présenta pour monter sa garde-robe. Comme il se recommandait de celui-ci, le tailleur sortit quelque factures que le marquis avait négligé de payer. Lafcadio répugnait aux filouteries ; il feignit aussitôt d'être venu précisément pour régler ces notes, et paya comptant les nouveaux vêtements. Même aventure chez le bottier. Quant au chemisier, Lafcadio jugea plus prudent de s'adresser à un nouveau.

— L'oncle de Gesvres, si seulement je savais son adresse ! j'aurais plaisir à lui renvoyer acquittées ses factures, pensait Lafcadio. Cela me vaudrait son mépris ; mais je suis Baraglioul et désormais, coquin de marquis, je te débarque de mon cœur.

Rien ne le retenait à Paris, ni ailleurs ; traversant l'Italie à petites journées, il gagnait Brindisi d'où il pensait s'embarquer sur quelque Lloyd, pour Java.

Tout seul dans le wagon qui l'éloignait de Rome, il avait, malgré la chaleur, jeté en travers de ses genoux un moelleux plaid couleur de thé, sur lequel il se plaisait à contempler ses mains gantées couleur de cendre. A travers la souple et floconneuse étoffe de son complet il respirait le bien-être par tous ses pores ; le cou non serré dans un col presque haut mais peu empesé d'oii s'échappait, mince com.me un orvet, une cravate en foulard bronzé, sur la chemise à plis. Il se sentait bien dans sa peau, bien dans ses vêtements, bien dans ses bottes — de souples mocassins taillés dans le même daim que ses gants ; dans cette prison molle, son pied se tendait, se cambrait, se sentait vivre.

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