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684 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

parce que, voyez-vous, je serais vraiment désolé de devoir livrer un vieil ami comme vous à la police ; mais qu'y faire ? Désormais vous dépendez d'elle — ou de nous.

— Me livrer, c'est vous livrer vous-même...

— J'espérais que nous parlions sérieusement. Compre- nez donc ceci, Lafcadio : La police coffre les insoumis ; mais, en Italie, volontiers elle compose avec les subtils. " Compose ", oui, je crois que c'est le mot. Je suis un peu de la police, mon garçon. J'ai l'œil. J'aide au bon ordre. Je n'agis pas : je fais agir.

" Allons ! cessez de regimber, Cadio. Ma loi n'a rien d'affreux. Vous vous faites des exagérations sur ces choses ; si naïf, et si spontané ! Pensez-vous que ce n'est pas déjà par obéissance, et parce que je le voulais ainsi, que vous avez repris sur l'assiette, à dîner, le bouton de Mademoiselle Venitequa ? Ah ! geste imprévoyant ! geste idyllique ! Mon pauvre Lafcadio ! Vous en êtes-vous assez voulu de ce petit geste, hein ? L'emmerdant, c'est que je n'ai pas été seul à le voir. Bah ! ne vous frappez pas ; le garçon, la veuve et l'enfant sont de mèche. Charmants. Il tient à vous de vous en faire des amis. Lafcadio, mon ami, soyez raisonnable ; vous soumettez- vous ?

Par excessif embarras peut-être, Lafcadio avait pris le parti de ne rien dire. Il restait, le torse raidi, les lèvres serrées, les yeux fixés droit devant lui. Protos reprit avec un haussement d'épaules :

— Drôle de corps ! Et, en réalité, si souple !... Mais déjà vous auriez acquiescé, peut-être, si j'avais d'abord dit ce que nous attendons de vous. Lafcadio, mon ami, ôtez-moi d'un doute : Vous que j'avais quitté si pauvre.

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