Aller au contenu

Page:NRF 11.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

66 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

��Le comte Juste- Agénor de Baraglioul n'avait plus quitté depuis cinq ans son luxueux appartement de la place Malesherbes. C'est là qu'il se préparait à mourir, errant pensivement dans ces salles encombrées de collec- tions, ou, plus souvent, confiné dans sa chambre et prêtant ses épaules et ses bras douloureux au bienfait des serviettes chaudes et des compresses sédatives. Un énorme foulard couleur madère enveloppait sa tête admirable en manière de turban, dont une extrémité restait flottante et rejoignait la dentelle de son col et l'épais gilet justaucorps de laine havane sur lequel sa barbe en cascade d'argent s'épandait. Ses pieds gantés de babouches en cuir blanc posaient sur un coussin d'eau chaude. Il plongeait tour à tour l'une et l'autre de ses mains exsangues dans un bain de sable brûlant, au-dessous duquel une lampe à alcool veillait. Un châle gris couvrait ses genoux. Certainement il ressemblait à Julius ; mais davantage encore à quelque portrait du Titien ; et Julius ne donnait de ses traits qu'une réplique affadie, comme il n'avait donné dans VJir des Cimes qu'une image édulcorée de sa vie, et réduite à l'insigni- fiance.

Juste-Agénor de Baraglioul buvait une tasse de tisane en écoutant une homélie du père Avril, son confesseur, qu'il avait pris l'habitude de consulter fréquemment ; à ce moment on frappa à la porte et le fidèle Hector, qui depuis vingt ans remplissait auprès de lui les fonctions de valet de pied, de garde-malade et au besoin de conseiller, apporta sur un plateau de laque une petite enveloppe fermée.

�� �