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Page:NRF 11.djvu/770

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764 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

seul le devoir et le plaisir de leur donner naissance, de les amener, de les greffer sur son orchestre. — Ils sont tous en contact immédiat les uns avec les autres ; pas de charpente entre eux ; ils forment eux-mêmes, par leur seule foule, la masse où ils sont compris ; ils n'ont de posi- tion que relative et ne prennent leur élan que les uns sur les autres. Aussi sont-ils dans une perpétuelle préparation mutuelle. Comme l'acier en fusion découvre peu à peu en bouillonnant chaque partie de son cœur éblouissant, l'or- chestre s'entr'ouvre pour révéler tour à tour chacun d'eux ; il le dissimule aussi longtemps qu'il en est besoin, il le porte et le nourrit, et, quand le moment est venu, étant tout plastique et sans résistance, il ne retarde pas d'un instant son apparition. C'est uniquement pour obtenir cette lenteur de la gestation et cette promptitude dans la production des thèmes que Wagner les a versés tous ensemble et a répudié les formes fixes par quoi tous leurs mouvements eussent été prescrits.

Toutes les critiques que l'on peut adresser à Wagner, tombent, sitôt qu'on a compris qu'il n'est pas d'abord un musicien dramatique. Ainsi, lorsqu'on lui reproche son déchaînement et son paroxysme, la surabondance de sa pâte, l'exagération de ses moyens, on veut dire qu'il y a une disproportion entre ceux-ci et l'effet dramatique qu'il en obtient. Mais si l'on cesse d'admettre qu'il a cherché un effet dramatique, si l'on consent à le considérer simplement comme le musicien de la désignation, au contraire on ne pourra manquer d'être frappé par son économie. Economie au double sens du mot : nous avons déjà insisté sur sa profonde science de la disposition ; mais la justesse de cette disposition produit du même coup je ne sais quelle

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